En passant par le royaume de Redonda

de la Guadeloupe à St Martin

Mardi 14 avril, à Pointe à Pitre : je me loue une voiture. Je suis déjà venu en Guadeloupe avec Balum, et j’ai envie à nouveau de me balader ici.

Pour commencer, je vais à Jarry, dans la zone industrielle de Pointe à Pitre, j’explore Captain Nautic, un « shipchandler » géant, le plus grand magasin d’accastillage, je crois, que j’aie jamais vu !

 

Dans la journée je retrouve Fleur de Sail avec Marcel, Yveline et 2 amis avec qui ils viennent de faire une belle virée.

 

Mercredi 15 avril, Adelcar part vers St François, puis Petite Terre, et si on ne se revoit dans un mouillage de Guadeloupe, de toute façon on a rendez-vous à St Martin dans quelques semaines.

 

En voiture ! Je passe à St François, à la pointe sud-est de l’île, au loin je vois la Désirade, un endroit un peu inaccessible pour les voiliers, pas d’abri raisonnable. Puis je vais déjeuner au Moule, au bord de l’eau. Je suis venu ici parce que Claude la parisienne m’a parlé du Musée Edgar Clerc, un musée archéologique départemental qui va se révéler très intéressant.

J’avais été un peu déçu par le Musée archéologique de Fort de France, alors que celui-ci a une collection très riche d’objets provenant de tous les peuples qui se sont succédé aux Antilles, Arawaks, Caraïbes, Callinagos : des haches, des pierres polies, des coquillages sculptés, des poteries, des « zemi », ces drôles de pierres à 3 pointes qui semblaient être des talismans. Je me passionne pour les liens établis entre la culture amérindienne antillaise et la culture amazonienne : je retrouve ici des amulettes-grenouilles très semblables à celle que Claude m’a offerte en Amazonie !

Jeudi 16 avril : je vais vers Basse-Terre sur la côte ouest de Guadeloupe, je connais bien ce coin : en 2004, avec les "tahitiennes" on avait loué pour une semaine une maison à Bouillante, sur les hauteurs, avec vue sur l’îlet Pigeon quand on était dans la piscine… J’avais laissé Balum à  la marina de Rivière-Sens, juste en dessous de Basse-Terre. Très bons souvenirs. Je mange à la marina, au bord de l’eau. Je suis missionné par Marcel, il envisage peut-être de laisser son bateau ici pour quelques semaines avant de rentrer en métropole en avion, et il veut connaître les prix. Je passe à la capitainerie pour avoir l’info.

Soirée à bord de Fleur de Sail, avec deux autres vieux bourlingueurs dont un qui connait bien le Brésil à bord de son voilier le Tigre Des Mers ; j’apporte une bouteille de cachaça, et nous nous faisons des caïpirinhas !

 

De retour au bateau, je commence à préparer une version à imprimer des aventures d’Indeed, à partir des journaux du site web. J’aimerais bien en avoir une version papier, il y a moins de photos mais c’est plus facile à feuilleter.

 

Dimanche 20 avril : avec Marcel et Yveline, nous visitons l’aquarium de Bas du Fort : un bel endroit avec des poissons tropicaux magnifiques, et en particulier des poissons-lions, cette espèce venimeuse qui s’est échappée d’un aquarium de Floride en 1992 et qui est en train d’envahir la Caraïbe, et puis des poissons-pierre, et des tortues.

Après cette matinée très plaisante, j’invite l’équipage de Fleur de Sail à bord pour une petite bière, puis finalement pour déjeuner, pâtes fraîches et salade d’endives, et on conclut avec une goutte d’Armagnac cuvée spéciale Indeed !

Lundi soir : je passe les voir pour connaitre leur programme, ils m’invitent pour un ti’punch, puis p’tite bouffe à leur bord, épinards à la crème et œufs durs, excellent !

 

Mardi midi je vais larguer leurs amarres, ils partent vers Trois Rivières : quand se reverra-t-on ? Dans quelques semaines, ils vont installer leur voilier en sécurité quelque part aux Antilles, ils ne savent pas encore où, et ils vont rentrer en métropole pour les mois d'été. Ils veulent continuer leur périple la saison prochaine, les Antilles, Cuba, Les Bahamas… On garde le contact, je veux connaître la suite de leurs aventures !

 

J’ai copiné sur leur ponton avec un couple de navigateurs canadiens qui ont eu un gros pépin : à un mille de Pointe à Pitre leur mât est tombé, comme ça, sans prévenir, cassé en 2. Pas de blessé, heureusement, mais c’est parti pour des semaines, des mois de paperasses avec leur assurance, des mois de travaux, avec un mât qu’il faut faire venir ici et ce n’est pas simple… Comme d’habitude dans ce genre d’accident, tout est parti au fond de l’eau, pas moyen de récupérer le moindre morceau, tout est tellement lourd, il est impossible de retenir quoique ce soit. Alors c’est le mât, mais aussi les haubans, les drisses, les voiles, la bôme, l’enrouleur de génois, toutes les poulies, les feux, les antennes… Ils prennent ça avec le sourire, mais je les plains : ça chamboule tous leurs projets de voyage, évidemment !

 

Mercredi 22 avril : je quitte Pointe à Pitre, après 12 nuits passées ici. Je fais le plein de fuel, et je pars, en théorie vers Petite Terre mais si ça souffle trop, je commencerai par Marie Galante.

Je fais le trajet face au vent, et donc au moteur. Des sargasses, des sargasses… 6 fois, 7 fois, je fais des marche-arrière pour dégager l’hélice et le safran, je ne peux pas éviter les paquets d’algues, il y en a trop !

 

Petite Terre

J’arrive vers 17 heures dans le chenal de Petite Terre, entre les 2 îlets, Terre de Haut et Terre de Bas.

 

Les découvreurs de ces îles, à l’époque de Cristobal Colon, manquaient un peu d’imagination : en Guadeloupe la partie est se nomme Grande Terre et la partie ouest Basse Terre, tandis que la capitale administrative s’appelle Basse Terre ; aux Saintes il y a Terre de Haut et Terre de Bas, et ici à Petite Terre les deux îlets s’appellent également Terre de Haut et Terre de Bas ! La capitale de St Kitts, au nord-ouest de la Guadeloupe, s’appelle Basseterre. A St Martin, ils ont fait un effort : on trouve la Péninsule des Terres Basses ! On peut repérer aussi d’innombrables Grande Anse ou Petite Anse, Grand Cul de Sac ou Petit Cul de Sac

 

Il y a des bouées prévues pour les visiteurs dans le chenal, mais il y a du vent et du courant, pas moyen d’attraper cette fichue bouée ! 3 essais, 4 essais, je n’y arrive pas. Il y a déjà 3 bateaux amarrés, je fais un signe à un de mes voisins qui revient chez lui avec son dinghy, il me donne un coup de main, ouf.

Je projette de passer 2 nuits ici, pour avoir le temps d’explorer le coin, mais après la 2ème nuit, au matin, la houle a tourné au nord-est, et les vagues déferlent à la sortie du chenal ; il y a 2 à 3 mètres de fond, j’imagine que dans les creux entre 2 déferlantes, il ne reste pas beaucoup d’eau, Indeed cale 1,45 m, je remets mon départ au lendemain !

Allez voir la video de Petite Terre !

Petite Terre est donc constituée de 2 îlots déserts, et c’est une réserve naturelle ; Terre de Haut est carrément interdite d’accès, et l’ensemble est très règlementé.

Pendant 2 jours, je vais me balader sur Terre de Bas pour espionner les iguanes ; on dit qu’un tiers des iguanes des îles de Guadeloupe sont là ! Je les débusque perchés en haut des arbres, sous les buissons, et parfois même au milieu des sentiers. J’en vois des groupes qui se chauffent au soleil sur des rochers, j’assiste même à une bagarre entre mâles. Ils ont une allure de dinosaures, mais ils sont végétariens, et en plus ce sont de gros timides, ils se sauvent dès qu’on fait un peu de bruit.

Je plonge avec masque et tuba, mais aussi avec précautions, il y a des barracudas de 2 mètres de long qui patrouillent juste sous le bateau… Quand il n’y a pas trop de sargasses, je vais me baigner près du récif, je poursuis les petits poissons multicolores dans 50 cm d’eau. Il y a, parait-il, des tortues marines, mais je n’en verrai pas.

Les nuits ne sont pas très reposantes, avec le bruit du ressac sur le récif et le sifflement du vent. Ça n’empêche que c’est un bel endroit, étrange et insolite.  Content d’être venu là.

 

Marie-Galante

Samedi 25 avril : il n’y a plus de houle qui déferle à la sortie du chenal, je pars. Belle traversée rapide et confortable. J’arrive à Marie-Galante où je ne suis jamais venu. Mouillage devant le bourg de Saint Louis. Il y a vraiment trop de vent à mon goût, si ça dure je repars tout de suite vers les Saintes. Je mange d’abord et je prends ma décision. Mais le vent va tomber dans l’après midi, pas de clapot, tout va bien.

 

Dimanche 26 avril : je me suis loué une petite voiture japonaise et je pars pour le tour de l’île : elle n’est pas bien grande et en plus c’est dimanche, donc les distilleries de rhum sont fermées !

C’est un endroit séduisant, où j’ai la sensation qu’il fait bon vivre. Les maisons sont très colorées, il y a tous les arbres que j’aime, les arbres à pain, les flamboyants, les cocotiers, les bananiers, tout ce qui donne l’impression que la vie est simple et facile. Je commence par la côte nord, où je découvre une rivière salée bordée de mangrove et de magnifiques plages de sable blanc.

Je trouve la piste qui mène à  « Gueule Grand Gouffre », un surplomb vertigineux percé où les flots s’engouffrent avec fracas. Je fais des photos et je demande à des promeneurs où mène cet autre sentier, ça va jusqu’au bord de la falaise, me disent-ils. Je vais au bout du chemin, et je dérange 2 mangoustes, ces petites bêtes à fourrure et à longue queue, un peu genre belettes, qui galopent pour se cacher.

Que fait un marin  du haut d’une falaise ? Il regarde la mer bien sûr, et là, à quelques centaines de mètres du bord, je vois un troupeau de cachalots, 4 cachalots qui font des va-et-vient, qui restent en surface, qui soufflent, avec le 4ème qui reste en arrière, ça doit être le vieux mâle ronchon. C’est une première pour moi, j’ai déjà vu très souvent des cétacés en tous genres, mais je n’avais jamais vu de cachalots. Pourtant pas de doute, c’en est, avec leur tête si particulière et si massive, avec ce front vertical. Sur le sentier derrière moi, une petite famille arrive avec 2 enfants, je les appelle et on admire le spectacle à plusieurs.

Je traverse l’île, ce n’est pas une île montagneuse, mais plutôt vallonnée, avec des champs de canne à sucre, des étangs, des vieux moulins à vent qui servaient à broyer la canne à sucre ; pas de villages, plutôt des fermes et des petites maisons dispersées, mais ici on n’est jamais très loin de ses voisins.

Je m’installe dans un « lolo » au bord de l’eau sous les cocotiers un peu après Capesterre, et je me fais servir un poisson grillé ; l’eau est turquoise, la plage est très belle, elle est orientée du côté des vents dominants mais une barrière de corail à 500 mètres du bord bloque plus ou moins les sargasses, ce qui n’est pas le cas dans le bourg de Capesterre, où la situation est désolante.

 

Les Saintes

Lundi 27 avril : 8h départ vers les Saintes. Encore une traversée agréable et rapide, décidément le temps tourne au beau, le vent a nettement tourné au sud-est, si ça se maintient c’est parfait pour la transat retour, et le ciel est bleu, même s’il est un peu laiteux, finis les grains !

Je connais les Saintes, j’y suis venu plusieurs fois avec Balum, et cette baie de Terre de Haut est magnifique, très abritée. Le village est très plaisant, très coloré, très authentique. Ici la population est assez étonnante, en majorité blanche aux racines bretonnes, mais tout le monde parle le créole !

 

Mardi 28 avril, je sillonne l’île en vélo électrique. Je vais me balader au Fort Napoléon, j’aimerais voir encore des iguanes, mais il n’y en a plus beaucoup, ils ont dû se lasser de prendre la pose pour les touristes. Je veux aussi revoir les fameux portraits de Christopher Colombus, des gravures ; il y en a toute une série assez cocasse, puisque aucune n’est contemporaine de l’homme, elles sont donc toutes des œuvres d’imagination !

Je veux revoir la baie de Pompierre, hélas elle aussi est victime des sargasses ; une pelle mécanique ramasse les algues directement dans la mer, puis entasse tout ça au fond de la plage sous les cocotiers. Les tas font un à deux mètres d’épaisseur, l’odeur est assez infecte, mais quelques touristes courageux se baignent dans la zone nord-est, à peu près épargnée.

Je mange dans un lolo près de la plage, il n’y a pas grand monde. Je me fais servir un poisson grillé accompagné d’une purée bananes-cristophines délicieuse.

Mercredi 29 avril : décidément le petit bourg de Terre de Haut est adorable. On loue beaucoup de véhicules, scooters, trottinettes électriques, et aussi des voiturettes électriques. Parfois il faut un peu sauter sur le trottoir pour ne pas se faire bousculer, mais ça vaut mieux que des vraies grosses voitures qui fument et qui pétaradent.

Je vais au cybercafé, pas de WIFI ici, et ça a de bons côtés, on y croise les navigateurs un peu isolés au mouillage.

Après une piña colada et un pavé de bœuf pris sur une terrasse au bord de l’eau, je pars avec l’annexe, je m’accroche à une bouée au pied de la petite falaise et je plonge. Et je me retrouve au milieu de milliers de poissons de toutes les couleurs, avec des formations coralliennes colorées et variées, retour en Polynésie !

Allez voir la video La vie du récif des îles de Gwadloop !

Jeudi 30 avril, 7h30 je largue ma bouée, je quitte cette baie charmante et tranquille ; quand j’étais venu ici avec Balum, chacun posait son ancre où il voulait. Maintenant il y a des bouées gérées par la commune, les bateaux sont plus espacés, et placés plus loin de la plage, là où le fond est plus important, et où j’hésiterais à mettre l’ancre. Là où j’étais, il y avait 13 mètres de fond, j’aurais eu de la peine à plonger pour vérifier la tenue de mon ancre.

Beau temps, petit vent plutôt de sud-est, comme depuis plusieurs jours.

 

L’anse Deshaies

Je remonte la côte ouest de Guadeloupe jusqu’à l’anse Deshaies. Je compte passer la nuit là, pour partir demain matin vers Antigua.

Je pose mon ancre, mais le vent tournicote, je me retrouve à quelques mètres d’un gros catamaran, je recommence la manœuvre quelques mètres plus loin.

Je plonge avec le masque pour aller voir comment l’ancre est crochée, et là, à 5 mètres de fond, une grosse tortue de mer est posée, immobile. Elle doit bien mesurer un mètre de longueur. Je reste en surface juste au dessus d’elle, elle finit par me repérer, elle commence à bouger, je la suis, elle accélère et disparait. Je veux aussi voir le mouillage d’un bateau voisin, corps mort ou ancre, pour savoir s’il va tourner comme moi. Je vois sa chaîne, je m’approche, elle est saisie sur un bloc de béton, et là j’assiste à une scène inédite : une tortue de la même taille que la précédente a la tête coincée sous la grosse chaîne ! Elle bouge un peu, mais pas de façon agitée, non, tranquille, apparemment résignée. Je réfléchis, il faut que je plonge pour soulever la chaîne. Je prends mon souffle, j’y vais, et quand j’arrive près d’elle, elle se retire toute seule de son piège ! Finalement elle n’avait pas l’air si coincée que ça… Peut-être qu’elle se grattait le cou ? Non, en fait c’est ma courageuse intervention qui lui a donné l’énergie de sortir de là ! C’est sûrement ça.

 

Antigua

Vendredi 1er mai, 7h du matin : je quitte la Guadeloupe, cap sur Antigua. Avant le départ, j’avais fait des petits calculs notés dans le livre de bord : 43 milles à 4 nœuds, ça fera 10h45 de navigation ; à 5 nœuds, 8h35. Finalement je vais faire une moyenne de 6 nœuds, 7 heures de traversée ! Je fais route avec 3 autres voiliers dans un rayon de 1 mille, on se tiendra jusqu’à Antigua. Beaucoup de bateaux nous croisent en sens inverse. Eh oui, la Semaine d’Antigua se termine, gros rassemblement de voiliers très couru, et très chic ! Il y a des régates de voiliers traditionnels, et c’est une belle occasion de se montrer pour des yachts des années 30 somptueusement restaurés.

Je pose mon ancre dans English Harbour, on est nombreux mais je me trouve une petite place. Il fait un temps impeccable. Baignade, balades.

Le lendemain matin, je vais faire ma « clearance », et il y a des jours où je me dis que je suis un peu bête : je passe à la douane, puis à l’immigration, puis à la « Port Authority », et ça me coûte 27 dollars US ! Tout ça pour les 2 nuits que je vais passer ici… Depuis que je suis aux Antilles, je n’ai jamais vu un contrôle des voiliers au mouillage par les douanes ou la police. Finalement, clandestin, pourquoi pas…

Je visite les vieilles installations du « Dockyard » de English Harbour, c’est là que Lord Nelson, ce chien d’anglais, oui celui de Trafalgar, venait cacher ses bateaux. Les bâtiments ont été recyclés en locaux administratifs pour la douane ou en bistrots, et tout ça est très british, briques et pierre de taille, avec quelques canons d’époque.

Je vais jusqu’à la baie voisine, Falmouth Harbour, il y a encore quelques super yachts, des vedettes taille paquebot. Je récupère le dépliant d’un service de « concierge » pour les super yachts, leur slogan est « The answer is yes, now, what was the question ? ».

Je vais à la bakery, je m’achète des meat pies et des chicken pies, pas mal, mais aussi des french croissants, erreur…

 

Le Royaume de REDONDA

Dimanche 3 mai, 7 heures je lève l’ancre. Beau temps et petite brise, je fais cap à l’ouest. L’horizon est assez dégagé, à peine sorti d’English Harbour je vois au sud-ouest l’île de Montserrat, une île dont le volcan, actif depuis une vingtaine d’années, a chassé les 2/3 de ses habitants.

Je me dirige vers l’île de Redonda, cette île déserte qui est un royaume depuis le 19ème siècle. Sur la suggestion de mon grand frère, elle a pris place dans la rubrique « îles perdues » du site web, et c’était une bonne idée ! A priori on peut mouiller près de la côte sous le vent, on va voir ça, le temps est parfait aujourd’hui pour une tentative, mer belle et beau temps, mais ce n’est qu’un gros caillou, pas d’abri, pas de baie, alors attendons d’être sur place.

Allez voir la video Indeed au Royaume de Redonda !

Je pars d’Antigua avec 15 nœuds de vent, mais comme d’hab’ le vent se lève en route jusqu’à 25 nœuds… J’approche de Redonda, c’est vraiment un très gros caillou pelé et raboté par le vent, des falaises bien raides, pas très accueillant ! Heureusement une grosse tortue de mer est là pour me saluer, c’est peut-être celle que j’ai sauvée l’autre jour et qui m’a suivi.

Dans mon guide des Antilles, le « Patuelli », il y a un paragraphe sur Redonda, et une petite carte. Sur cette carte, il y a un « waypoint », un point avec ses coordonnées géographiques pour tracer sa route, et ce point est placé au sud-ouest de l’île. Comme ça, par curiosité, je reporte ce waypoint sur ma carte numérique, et il n’est pas du tout à l’endroit prévu, il est à l’est de l’île ! Je regarde sur mon lecteur de cartes numériques à la barre à roue, c’est une autre carte mais là aussi le point est plein est. Qui a raison, le guide ou les cartes numériques ? Je sors une carte papier, je fais les relèvements, la carte papier est d’accord avec le guide…

L’île, vu sa hauteur, on ne peut pas la rater, mon problème c’est un petit récif nommé Pinnacle Rock, à 500 mètres au sud de l’île ; on me dit qu’il est « always dry (2) », je comprends qu’il est toujours sec, et qu’il émerge de 2 mètres…

J’approche, je cherche dans les vagues, la main en visière au-dessus des yeux, je ne pointe pas trop sur l’emplacement supposé du rocher, mais je ne vois rien… Je finis par dépasser sa position théorique, et je vire, je vise la côte ouest de l’île, la côte abritée du vent. Et pas de doute, mes cartes sont fausses ! Le décalage est d’un peu plus d’un kilomètre. Voilà un endroit où il vaut mieux ne pas essayer de venir de nuit…

L’île mesure 1300 mètres du nord au sud, et son plus haut sommet culmine à 290 mètres. Je longe la falaise pour découvrir le mouillage indiqué sur le guide, je viens très près du bord, dans 7-8m d’eau, l’eau est très transparente, et je vois de gros rochers au fond, de quoi coincer ma chaine et perdre mon ancre. Je tourne, j’essaie d’apercevoir un endroit sableux un peu étendu et je ne trouve pas.

Tant pis, le coin est abrité du vent par la hauteur de l’île, je reste une petite heure, je contemple, j’essaie de trouver des traces humaines, un reste de quai, un anneau pour amarrer une chaloupe, rien. J’ai aperçu une petite maison en ruine sur le promontoire sud, on dirait un baraquement militaire, bien placé pour surveiller l’horizon. A la fin du 19ème siècle, des ouvriers exploitaient ici une mine de phosphate, je ne pense pas qu’ils vivaient là, en plein vent.

J’attends un peu, au cas où le Robinson Crusoé local m’aurait repéré et arriverait en courant. Je sirote une bière, et j’en verse une goutte dans la mer en hommage respectueux au royaume de Redonda.

Je sors le téléphone satellite et j’envoie un mail à mon grand frère, mission accomplie.

 

Mon projet était de passer du temps ici, peut-être même la nuit, j’aurais aimé explorer l’île à pied, ce n’est pas possible. Je repars un peu trop tôt. Je quitte ce bel endroit.

Si je vise St Barth, je vais arriver en pleine nuit, je continue vers St Martin. Je vais y retrouver Adelcar, et on va commencer à mûrir les options pour la transat retour.

 

St Martin

Lundi 4 mai : Après une nuit en mer, au petit matin je suis presque bord à bord avec le Rara Avis, un des bateaux du Père Jaouen, un ancien voilier trois mâts de travail reconverti dans le charter éducatif. J’arrive à Marigot, du côté français de St Martin, l’eau est d’une couleur superbe dans la baie. Le vent est tonique, je viens me mettre tout près du bord, pas de clapot, la sieste sera plus confortable.

 

Je suis déjà venu ici avec Balum, et je suis à nouveau surpris par la langue parlée sur ce territoire français – en fait c’est une « collectivité d’outremer », une « COM » depuis 2007. Ici on parle d’abord anglais, ensuite le créole, l’espagnol, et parfois le français ! Les écoliers dans la rue se parlent entre eux en anglais, une commerçante me disait que les discours électoraux de certains hommes politiques sont en anglais, et c’est tout.

L’île est un condominium franco-hollandais, de l’autre côté on parle bien sûr le hollandais, mais essentiellement l’anglais aussi. Quand je pense que je vis en Bretagne ou (presque) personne ne parle breton !

Je me loue une voiture, et je pars faire du shopping du côté hollandais. Le contraste est assez violent entre les deux côtés de l’île : on sent qu’il y a un problème du côté français, pas mal de commerces fermés ou en vente, pas beaucoup de touristes tandis que du côté hollandais les affaires marchent ! L’architecture fait dans le style kitsch tropical façon Las Vegas, et d’ailleurs il y a partout des casinos… Je vais faire les boutiques à Philipsburg pour m’offrir un appareil photo, eh oui, ici c’est vraiment free tax ! Je fais le tour de l’île, je passe à Oyster Pond, la limite entre les 2 pays ; avant la « french border » c’est le luxe tapageur, quelques centaines de mètres plus loin c’est à nouveau les Antilles un peu miteuses, les terrains vagues poussiéreux. Les deux zones ont beau être des « ports francs », elles n’ont pas harmonisé leur politique fiscale, leur régime de taxes, et les touristes vont là où c’est moins cher. Immoral ? Et le plus injuste, c’est que les plus belles plages sont du côté hollandais, sable blanc et eau d’un bleu turquoise presque chimique, alors que du côté français, les sargasses, encore elles…

 

J’ai eu l’occasion d’écrire dans ces pages que le ciel était souvent laiteux ces derniers temps. Lu dans le « St Martin’s Week » du 5/5/2015 :

Les brumes de sable, un phénomène naturel

« Ces temps-ci le ciel est parfois voilé, en raison de ce qu’on nomme communément les brumes de sable venues du Sahara. (…) L’origine de cette brume qui gêne parfois la visibilité dans nos régions provient des quantités de sable du Sahara projetées dans l’atmosphère lors des tempêtes ou vents violents qui sont amenés à sévir dans le désert. Une grande quantité de sable s’envole alors dans l’atmosphère, entre 1500 et 6000 mètres d’altitude. (…) Lorsque les vents alizés sont bien établis entre les côtes d’Afrique et les Caraïbes, des poches de poussière peuvent traverser l’océan, atteindre l’arc antillais et affecter la visibilité de façon plus ou moins durable. (…) Ces brumes ont un avantage : elles constituent un élément défavorable à la formation des cyclones du fait de l’air très sec qu’elles provoquent. »

 

Cette information me semble parfaite pour la suite de mon programme ! Il me reste à charger le bateau de nourriture, à remplir les réservoirs de fuel, d’eau, puis à guetter, avec Adelcar, la meilleure « fenêtre météo ». Un crochet par les Bermudes ou route directe vers les Açores ? Rien n’est décidé, sauf qu’on largue les amarres entre le 17 et le 31 mai. « Se Deus quizer »…

 

À St Martin, le 7 mai 2015, à bord d’Indeed

Un Christophe Colomb de l'ombre, quelque jour,

Un Gama du cap de l'abîme,

Un Jason de l'azur, depuis longtemps parti,

De la terre oublié, par le ciel englouti,

Tout à coup, sur l'humaine rive

A la barre d’Indeed reparaîtra, bien las,

Et montrant Jacaré, Trinidad, Redonda,

Tout pâle, dira : J'en arrive ! »…

Désolé Victor Hugo, et merci Pierre Pimicar !

Allez voir la page "Les îles perdues", on y parle de ce livre superbe, un bel objet. Et aussi de Tintin !

 

Les bonus vidéos

INDEED en mer d'Iroise

Quelques images d'Indeed dans les îles de la mer d'Iroise, avec le dauphin Randy à l'île de Sein en invité surprise.

Transat retour Açores - Bretagne :

Ambiance de la transat retour Açores-Bretagne, dans le carré, sur le pont ou devant l'étrave, il y a toujours quelque chose à voir.

Indeed au Royaume de Redonda - Une île déserte, et pourtant elle a un roi depuis le 19ème siècle. Une drôle d'escale.

Petite Terre - Sargasses, iguanes et barracudas -  Une réserve naturelle très protégée au sud-est de la Guadeloupe.

 La vie du récif des îles de Gwadloop - Un vrai bonheur de plonger sur le récif - un bonheur ? Non, un enchantement !

un clic et c'est parti sur Youtube

Les dessous d'Indeed, tout ce que vous avez toujours voulu voir d'Indeed sans jamais le pouvoir, parce que vous avez peur de mettre la tête sous l'eau !

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Serpents de mer et colibris - le bonheur de voyager sous les Tropiques, c'est de contempler des animaux qu'on ne connaissait que dans les livres ou au cinéma, dans l'eau, dans l'air, sur terre.

un clic et c'est parti sur Youtube

Quelques vues du Carnaval des écoles à Trinidad & Tobago.

un clic et c'est parti sur Youtube

 INDEED et les dauphins, un rêve marin en vidéo en un clic.

Allez aussi voir les journaux de bord du mois d'août 2014 : Molène, Le Port Rhu, les Glénan...

"Favet Neptunus eunti" : "Neptune est favorable à ceux qui voyagent" !

Rue du Treiz à Douarnenez

48°05' Nord / 4°20' Ouest